dimanche 6 novembre 2022

Marcel, le pou ciel HM360 "point d'exclamation" et moi

A l'occasion du don de la structure de HM360 à une autre association qui présentera des éléments d'avions Mignet au public, je me propose de vous raconter une petite histoire. 


 C'est une belle histoire que celle qui me fit rencontrer Marcel quand j'avais 7-8 ans. Marcel habitait avec Madeleine une maison pas très éloignée de celle de mes parents et il m'arrivait souvent de disparaître dans la grange où je me retrouvais dans l'habitacle d'un joli avion rouge, un Mignet HM360 pour de longs vols imaginaires.

Mais revenons à Marcel.


Quand il avait mon âge, Marcel rêvait aux choses de l'air et se passionnait pour l'aviation. Inscrit à l'aéroclub de Boulogne, "section aviation légère & Pou du ciel" en 1934 il commence la construction d'un planeur AVIA 15 A.

C'est la grande époque des avions de record.
Marcel participe aux expositions dans les musées et communique sa passion aux promeneurs. 
C'est au cours de l'une de ces expositions qu'un monsieur l'interpelle et lui demande ce qu'il aimerait faire plus tard. Marcel rêve de travailler dans l'aviation. Le monsieur lui demande donc de se présenter le lundi suivant chez Caudron.

Et voilà comment Marcel se retrouve engagé comme mécano sur Bloch 220 dans les ateliers Caudron.
Au moment de la pause déjeuner, Marcel file derrière les bâches du fond de l'atelier qui cachent le Typhon décoré à la feuille d'or. Cet avion de course était conçu pour la course Istres/Damas. Marcel est très vite remarqué pour l'intérêt qu'il porte au Typhon et il est rapidement "Viré de son service".......... pour travailler sur l'avion de course. Marcel est aux anges et peut assouvir sa passion.

En 1934, Henri Mignet publie son livre que Marcel dévore avec passion. C'est l'apparition de l'aviation populaire. Il se lance dans la construction d'un HM14.



En 1935 il commence une correspondance avec le Saint Patron:


Lettre de Henri Mignet, 26 mars 1935


Cher monsieur et ami, Je lis votre lettre avec beaucoup de plaisir. Vous êtes jeune. Vous sentez vibrer en vous une corde sensible. Elle a le temps de se développer, de s'affirmer. Ceux qui ne vibrent pas ce sont les zéros que l'on ajoute à un chiffre pour créer une foule, un nombre. D'autre part, "on sort de la médiocrité en se donnant de la peine". Les amateurs de l'air se donnent de la peine, mais ils sortent tous de la médiocrité. Vous n'êtes pas fortunés? Peu importe. Le moment viendra où vous aurez un peu plus d'argent, et alors vous pourrez donner plus de forme à vos ambitions. Pour créer, il faut de l'argent, mais il n'en faut pas en masse. Avec le système D... on se débrouille toujours, même en aviation. Je suis généralement à St Cyr le dimanche. Vous y verrez voler le petit Pou du Ciel...    Cordialement   Henri Mignet

Bien plus tard Marcel eut l'occasion de sauver un très beau pou du ciel, un HM 360 construit par Mr LEGOUBIN


 
 

Cet HM 360 est sans doute l'un des plus beau qu'il m'ait été donné de voir. 
Ce pou faisait partie du paysage et curieusement j'ai attendu 1996 pour découvrir par hasard le livre de Henri Mignet dans une librairie. J'ai tout de suite eu le coup de foudre pour cette formule et je décidais illico de débuter la construction de « mon » Pou. Quand j'annonçais la nouvelle à Marcel et Madeleine, ceux-ci tinrent absolument à me rembourser l'achat du livre en cadeau !
Ce Pou, le « point d'exclamation ! », est motorisé par un magnifique moteur Salmson 9 cylindres en étoile et possède un train d'atterrissage très astucieux.

Le "!" fait référence au "?" qui traversa l'Atlantique. Noter la lisse/longeron de fuselage qui part de la cloison pare-feu et qui joint le bas de l'étambot (forme un accoudoir au niveau du cockpit). C'est cette lisse esthétique qui caractérise le fuselage du HM360 par rapport au HM293 et qui le rapproche du "fauteuil volant" qu'était le HM14.

 

Un superbe moteur Salmson 9AD sans cache culbuteurs (ce qui implique une tête ravie et toute noir du pilote due aux projections d'huile) A noter aussi le très beau plateau du moyeu d'hélice.

Un système ingénieux pour la suspension : Ce sont des anneaux en caoutchouc qui assurent la suspension et l'amortissement (ces anneaux sont taillés dans une chambre à air de voiture). On peut en faire varier le nombre en fonction de l’efficacité souhaitée (il y a 42 anneaux de 35 mm de large par jambe de train). Le tout est caréné par une tôle fine pliée et fermée par une corde à piano (enlevée en vingt secondes). L'amortissement est très efficace et pendant des années j'ai cru que le Pou de Marcel avait des amortisseurs hydrauliques (Le frottement entre les plis de caoutchouc crée un amortissement puissant. Du talc est bien indiqué pour réduire l’usure).
Diamètre ext. du foureau: 28 mm
longueur tube foureau (prise depuis la rotule de liaison avec le fuselage: 670 mm
Diamètre ext. du plongeur: 25 mm
Longueur totale de l'amortisseur en charge : 800 mm
course totale: 120 mm
course au delà d'un chargement de 1 G: 80 mm

 



Lorsque Marcel est mort, sa veuve Madeleine m'a offert le Pou de mon enfance ! Avec les copains nous avons décidé de faire don de ce pou au Musée de l'aviation légère d'ANGERS (Espace Air Passion)




Ce petit pou du ciel avec ses ailes pliables est très pratique pour les diverses expositions. Quand vous le verrez à Angers, ayez une petite pensée pour mon grand père adoptif : 
Marcel CANNESSON.